ORGANISATION SOCIALE ET COMPORTEMENT
Ce qu'on connaît de l'organisation sociale et du comportement des
gorilles provient majoritairement des recherches menées sur les gorilles
des montagnes bien qu'il y ait quelques données sur les gorilles des
plaines de l'est et de l'ouest. Pour toutes les sous-espèces, la taille
minimale d'un groupe est de deux individus (généralement une
femelle et un mâle au dos argenté), à l'exception des
mâles qui se déplacent seuls, tandis que la taille maximum d'un
groupe varie peu pour chacune des sous-espèces (Yamagiwa et al. 2003). La
taille maximum d'un groupe de gorilles des montagnes peut dépasser une
vingtaine d'individus, tandis que les groupes de gorilles des plaines de l'est
et de l'ouest sont généralement composés d'au plus 17
à 20 individus. Les groupes de gorilles des plaines de l'ouest
comprennent toujours moins de 20 individus (Yamagiwa et al. 2003).
Gorilla gorilla gorilla
Photo: Rick Murphy
Les gorilles des montagnes vivent en groupes organisés selon
l'âge avec un nombre moyen de 9,2 individus, comprenant un mâle
adulte (mais il peut y en avoir plusieurs), plusieurs femelles adultes, et leur
descendance (Watts 1996; Doran et McNeilage 1997; Robbins 2001). La
dispersion natale est plus commune parmi les gorilles des montagnes femelles
(Watts 1996). Généralement, les femelles migrent de leur groupe
natal afin d'éviter la consanguinité. Elles ne restent pas
toujours dans leur nouveau groupe et une migration secondaire est
fréquente (Watts 1996; Robbins 2001). Les mâles restent dans
leurs groupes natals ou dispersent. Si les jeunes mâles restent dans leur
groupe natal, ils seront subordonnés au dos argenté. Si le dos
argenté meurt, les jeunes subordonnés auront alors
l'opportunité de s'accoupler avec de nouvelles femelles ou de devenir
dominants. L'autre stratégie des gorilles des montagnes mâles est
de quitter le groupe natal et de vivre seul. Les mâles solitaires
attirent les femelles qui dispersent et créent ainsi de nouveaux groupes
sociaux. Dans les groupes qui contiennent un seul mâle au dos
argenté, les femelles dispersent vers de nouveaux groupes sociaux quand
il meurt (Yamagiwa et Kahekwa 2001). Cette stratégie peut être
lié aux taux élevé d'infanticides rapportés pour les
gorilles des montagnes à Karisoke. Les enfants privés de la
protection d'un mâle au dos argenté sont certains d'être
tués et les femelles rejoignent de nouveaux groupes afin de
protéger les enfants (Watts 1989). Jusqu'ici, l'infanticide a
été seulement observé parmi les gorilles des montagnes; et
récemment chez les gorilles des plaines de l'est et des preuves
indirectes ont été rapportées pour les gorilles des plaines
de l'ouest (Stokes et al. 2003; Stoinski pers. comm.). Enfin, les mâles
peuvent vivre dans des groupes uni-mâles, mais cette stratégie est
généralement employée par les jeunes mâles quand leur
groupe disparaît avant qu'ils n'atteignent l'âge adulte (Stoinski
pers. comm.).
Gorilla beringei beringei
Photo: A. W. Weber and A. Vedder
Les gorilles des plaines de l'est vivent, en général, dans des
groupes composés d'un mâle, de plusieurs femelles, et leur
descendance, bien que ces groupes puissent contenir plusieurs mâles
pendant de courtes périodes (Yamagiwa et al. 2003). La taille moyenne
d'un groupe est de 9,8 individus (Yamagiwa et Kahekwa 2001). Les mâles
migrent de leur groupe natal à l'âge de 15 ans ou avant,
après avoir vécu de quelques mois à quelques années
seuls. Puis ces jeunes mâles attirent des femelles qui dispersent et
créent un nouveau groupe social (Yamagiwa et al. 2003). L'âge moyen
de migration des gorilles femelles des plaines de l'est est de 9 ans (Yamagiwa
et Kahekwa 2001; Yamagiwa et al. 2003). Les femelles gorilles ne migrent pas
toujours de manière indépendante; elles migrent parfois vers un
nouveau groupe avec une autre femelle pour rejoindre un mâle solitaire.
La succession au sein des groupes que l'on observe chez les gorilles de
montagnes, n'a pas été observée chez les gorilles des
plaines de l'est. Si le dos argenté est mort, le groupe de femelles et
leur descendance peuvent rester associés et ne pas disperser, jusqu'au
moment où un nouveau dos argenté intègrera le groupe
(Yamagiwa et Kahekwa 2001). Cette stratégie protègerait le groupe
de la prédation. Plutôt que de se déplacer avec leur
descendance, les femelles restent dans des groupes d'individus non
apparenté pour réduire le risque d'être attaquées par
des guépards (Yamagiwa et Kahekwa 2001).
Les problèmes liés à l'habituation et les contraintes
écologiques pour réaliser les observations ont limité les
recherches sur le comportement social des gorilles des plaines de l'ouest
(Magliocca et al. 1999; Parnell 2002; Stokes et al. 2003). La composition des
groupes des gorilles des plaines de l'ouest est généralement d'un
mâle au dos argenté, de plusieurs femelles, et de leur descendance
avec une taille moyenne de 8,4 individus (Parnell 2002). Des groupes avec deux
mâles au dos argentés ont été observés sur
plusieurs sites (Stoinski pers. comm.). En général, les
mâles quittent leur groupe natal et sont solitaires, comme chez les
gorilles des plaines de l'est. Sur certains sites, des mâles
célibataires ont été observés chez les gorilles des
plaines de l'ouest. La composition des groupes consiste en général
en un seul mâle adulte, plusieurs jeunes mâles et des femelles non
reproductrices (Stoinski pers. comm.). Les dispersions natales et secondaires
ont été observées chez les gorilles femelles des plaines de
l'ouest, et comme chez les gorilles des montagnes, quand le dos argenté
meurt, les groupes se dissolvent et les femelles dispersent dans de nouveaux
groupes (Stokes et al. 2003). Bien que l'infanticide n'ait pas
été observé chez les gorilles des plaines de l'ouest, cette
stratégie est la conséquence probable du risque d'infanticide.
Quand le dos argenté est mort, les femelles se protègent de
l'infanticide en recherchant la protection des autres mâles dans des
nouveaux groupes (Stokes et al. 2003).
Les relations sociales des gorilles des montagnes sont les plus
documentées. La base des groupes sociaux est le lien mâle-femelle
qui est renforcé par le toilettage et par la proximité (Watts
1996). Il est important pour les femelles gorilles des montagnes de
développer des liens étroits avec les mâles parce qu'ils
leur offrent des services utiles comme la protection contre les
prédateurs et contre l'infanticide par les autres mâles et
l'occasion de se reproduire (Watts 2001). Il est commun d'observer des
interactions agonistiques entre les mâles et les femelles, mais elles sont
souvent peu intenses et n'entraînent pas de blessures graves (Watts 1996).
Les relations entre femelles sont variables et dépendent de la
parenté; les individus apparentés sont étroitement
associés. Mais en général, les femelles ont des relations
sociales limitées et de nombreuses interactions agressives (Watts 1996).
Ces rencontres ont généralement pour origine l'accès social
aux mâles, et les mâles interviennent dans les conflits entre
femelles (Watts 2003). Les relations sociales entre mâles sont
généralement peu développées,
particulièrement dans les groupes multi-mâles/multi-femelles
où la hiérarchie de dominance est bien établie et où
la compétition pour l'accès aux femelles est importante. Les
rapports entre les membres d'un groupe uni-mâles dans ces
sous-espèces, sont en général plutôt affiliatifs, et
ils interagissent en jouant, en se toilettant, et en restant à
proximité (Robbins 2001).
REPRODUCTION
Gorilla gorilla gorilla
Photo: Steve Ross
Les données sur les gorilles des montagnes sauvages et les gorilles
des plaines de l'ouest captifs fournissent la plupart des informations que l'on
connaît sur les paramètres reproductifs des gorilles et les
différences entre les sous-espèces sont peu importantes. La
ménarche débute à l'âge de 6 ans et est suivie d'une
période d'infertilité adolescente qui dure environ 2 ans (Czekala
et Robbins 2001). Le cycle sexuel dure entre 30 et 33 jours et les signes
d'ovulation extérieurs sont subtils, contrairement aux gonflements
ano-génitaux observés chez les chimpanzés (Pan troglodytes)
et les bonobos (P. paniscus). La gestation a une durée de 8,5 mois. Pour
les gorilles des montagnes sauvages, l'âge moyen de la première
parturition est de 10 ans et l'espacement entre deux gestations est de 4 ans
(Czekala et Robbins 2001). Il est plus difficile d'évaluer la
maturité sexuelle des mâles puisqu'ils peuvent être fertiles
avant de montrer des caractères sexuels secondaires (le dos
argenté qui caractérise les mâles adultes). Les mâles
entre 8 et 12 ans s'appellent les dos noirs (Robbins 2001). En
captivité, les mâles peuvent se reproduire dès l'âge
de 6 ans (Stoinski pers. comm.). En général, à partir de
12 ou 13 ans, les mâles peuvent être considérés comme
des dos argentés, mais la plupart n'atteindra pas leur taille adulte
avant l'âge de 15 ans (Czekala et Robbins 2001).
Il n'y a pas de preuves d'une saisonnalité des naissances et les
accouplement se produisent tout au long de l'année (Watts 1991; 1998).
Une femelle initie une copulation en faisant une moue et en approchant lentement
le mâle, en établissant un échange de regards
prolongé. Si le mâle ne répond pas, la femelle peut
étendre les bras vers le mâle, le toucher ou frapper la terre pour
attirer son attention (Sicotte 2001). Un mâle initie la copulation en
approchant la femelle, en paradant ou en la touchant avec une vocalisation de
« train grunt » (Watts 1991).
SOINS PARENTAUX
Étant donné que le taux de mortalité atteint les 38%
chez les gorilles des montagnes pendant la période infantile (de la
naissance à 3 ans), les individus qui prodiguent les soins, en tout
premier lieu les femelles, sont extrêmement importantes pour la survie de
leurs enfants (Watts 1989). En raison de la longue période de
développement et de dépendance des jeunes, les mères
gorilles investissent des années à s'occuper de leur
progéniture vulnérable. Bien que les mâles ne s'occupent
pas des enfants, ils jouent un rôle important dans leur socialisation, en
s'associant souvent avec les enfants plus âgés et les
juvéniles (Stewart 2001). Le dos argenté procure du soutien aux
jeunes; il leur sert de figure d'attachement pendant la difficile
période de sevrage et il protège les jeunes gorilles de
l'agression intra-groupe en intervenant dans des conflits entre des individus
plus âgés et dominants (Stewart 2001).
Gorilla gorilla gorilla
Photo: Helen Buckland
Dans les cinq premiers mois de la vie, les jeunes gorilles des montagnes
restent en contact constant avec leurs mères qui recherchent la
proximité du dos argenté pour être protégées
(Stewart 2001). Pendant cette période, les enfants dépendent de
leur mère pour la nourriture, tétant au moins une fois par heure,
et dorment dans le même nid que leur mère (Stewart 1988).
Après cinq mois, les paires mère enfants cessent d'être en
contact corporel constant, mais les jeunes ne quittent leur mères que
pour quelques secondes, et à 12 mois, les enfants s'aventurent
jusqu'à maximum 5 mètres (16,4 pieds) de leur mère. Entre
18 à 21 mois, la distance entre la mère et le jeune augmente
(Fletcher 2001). Cette diminution de la proximité s'accompagne d'une
diminution de la fréquence d'allaitement à une fois toutes les
deux heures (Stewart 1988). A l'âge de 30 mois, les enfants passent
seulement la moitié de leur temps avec leurs mères.
La période juvénile dure de trois à six ans et se
caractérise par une diminution du toilettage par la mère, le
sevrage et les juvéniles ne partagent plus le nid avec leur mère
(Stewart 2001). Étant donné le coût important que
représente l'élevage d'un enfant et le stress de la lactation pour
le corps de la mère, les femelles sont en aménorrhée
jusqu'au moment où l'enfant est sevré, c'est-à-dire entre
trois et quatre ans. Après avoir sevré son jeune, la mère
commence à ovuler et devient gestante peu après (Stewart 1988;
2001). Le conflit de sevrage est réduit au minimum chez les gorilles en
raison de leur nature cohésive. La constante disponibilité des
compagnons de jeu (le dos argenté inclus) pourrait contribuer à
une moindre intensité du conflit entre les mères et jeunes pendant
cette période (Fletcher 2001).
COMMUNICATION
La communication vocale est importante chez les gorilles pour les
interactions intra- et inter-groupes. Les vocalisations intra-groupe incluent
les « copulatory grunts » (les grognements de copulation), «
whimpers » (les gémissements) pendant la copulation, « whines
» (les geignements) et « whimpers » (les gémissements)
par les jeunes, « play chuckles » (les gloussements de jeu), «
intense » et « mild cough grunts» (les grognements toussifs
intenses et légers) pendant les démonstrations menaçantes
légères, et les communications « close » (proches) qui
incluent les vocalisations « syllabled » (avec syllabes) et «
non-syllabled » (sans syllabes) comme les « train-grunts »
(les grognements de train) et les « dog whines » (les geignements de
chien) (Fossey 1972; Harcourt et al. 1993). Les cris « close »
(proches) sont produits en général soit dans les situations de
séparation potentielle, soit de conflit potentiel. Les vocalisations
inter-groupes servent à avertir les membres du groupe de la
prédation potentielle et incluent les « barks » (les
aboiements). Les vocalisations inter-groupes incluent aussi les menaces longue
distance quand un groupe a détecté un autre groupe et incluent
également le « hoot series » (une série
d'hululements), qui peut être accompagnée de coups sur la poitrine
(Fossey 1972; Harcourt et al. 1993). La majorité des vocalisations se
produit entre membres du même groupe pendant le fourragement, bien que les
gorilles communiquent également en période de repos (Harcourt et
al. 1993).
ECOUTER DES VOCALISATIONS
Les capacités de communication des gorilles ont également
été étudiées en captivité, et un gorille en
particulier a été le sujet d'études qui avaient pour
objectif de comprendre l'acquisition du langage chez les êtres humains.
Pendant plus de 30 ans Francine Patterson a travaillé avec Koko, un
gorille des plaines de l'Est, et lui a enseigné le langage des signes
américain et l'anglais. Aujourd'hui, Koko peut utiliser plus de 500
signes et elle comprend l'anglais parlé; cependant les
différences physiologiques entre les grands singes et les humains ne
permettent pas à Koko de parler (Patterson et Gordon 2001).
Dernière modification de cette page: 4 octobre 2005
Ecrit par Kristina Cawthon Lang. Révu par Tara Stoinski.
Traduit par Kristen Barron et Odile Petit.
Citer cette page:
Cawthon Lang KA. 2005 4 octobre. Les Feuilles Instructives du Primate: Gorille (Gorilla) Comportement . <http://pin.primate.wisc.edu/factsheets/french/gorilla/behav>. Accédé 2019 23 février.